Durant deux ans de 2016 à 2018, Mélanie Lutz, ingénieure civile, est partie apporter ses connaissances est ses compétences à l’association Roncalli Juan XXIII au Nicaragua. Quelques mois après son retour, son homologue local Kenneth García est venu lui rendre visite dans le cadre d’un échange Sud-Nord . Lors d’une conférence à Genève, ils nous apportent leurs points de vue respectifs sur les avantages et les difficultés de l’échange de personnes.

Flexibilité et adaptation

« La clé d’un échange réussi est une grande capacité d’adaptation », lance d’entrée Mélanie. Son arrivée au sein de Roncalli Juan XXIII lui a en effet réservé quelques surprises. Alors qu’elle pensait intégrer une entreprise sociale – elle disposait d’une expérience en entreprise et pensait pouvoir en faire bénéficier le partenaire local – Mélanie a rapidement constaté que Roncalli Juan XXIII fonctionnait plutôt comme une association. Une partie de son travail a dès lors été d’accompagner l’organisation partenaire dans sa transformation d’association en entreprise sociale. Mais quelle différence cela fait-il ? Une entreprise sociale fonctionne comme une entreprise, mais les bénéfices générés sont réinvestis dans des projets à caractère social. Une association dépend plus largement des financements des donateurs extérieurs. Le but était alors que Roncalli Juan XXIII apprenne à dégager un bénéfice sur la vente de maisons, qui sera réinjecté pour offrir un logement aux membres des communautés les plus démunies. Selon Kenneth, les connaissances de Mélanie en matière d’entreprenariat ont été essentielles pour les accompagner dans la formulation d’une nouvelle stratégie, fondamentale pour construire l’indépendance de Roncalli Juan XXIII.

Des compétences techniques, mais aussi relationnelles

Mélanie a apporté ses compétences techniques au partenaire local et, dans un souci de la continuité de son travail, elle a créé avec l’aide de Kenneth un manuel à destination des contremaîtres. Il s’agit d’expliciter les bonnes pratiques en matière de construction et les raisons pour lesquelles il est avantageux pour les contremaîtres de travailler de cette manière. Dans ce guide, les deux jeunes entrepreneurs ont décidé d’intégrer des chapitres concernant l’environnement, la gestion des déchets et, plus surprenant, l’attitude à adopter envers les femmes, notamment aux alentours du chantier. Mélanie raconte avoir effectivement fait l’expérience d’un machisme important sur les divers chantiers auxquels elle a participé. Avec Kenneth, ils ont souhaité réduire la méfiance des ouvriers envers le travail des femmes et favoriser le respect des femmes dans le domaine de la construction. Le passage de Mélanie au sein de Roncalli Juan XXIII ne s’arrête donc pas au domaine technique, elle a également eu un impact important sur la relation entre les contremaîtres et les ouvriers. Kenneth explique encore avoir compris avec Mélanie l’importance de remercier les ouvriers pour leur travail, ce qu’il n’avait pas imaginé faire auparavant.

Des différences culturelles

Les différences culturelles ont parfois amené des incompréhensions entre Mélanie et Kenneth. Ce dernier se rappelle de longs débats où les points de vue peinaient à se rejoindre. Cependant, cet échange culturel a aussi été source d’enrichissement. Kenneth explique qu’il a appris à adopter «la rigueur Suisse » de Mélanie. Depuis leur collaboration, il commence tous ses travaux par une phase de planification précise et tente fermement de s’y tenir. Dans l’autre sens, Mélanie explique avoir été déchargée d’un certain stress en apprenant à vivre et à travailler « au rythme des transports nicaraguayens », loin du rythme effréné de la Suisse.

Au niveau personnel

A un niveau plus individuel, Kenneth explique que sa rencontre avec l’ingénieure Suisse, qui a réalisé un Master en parallèle de son volontariat, l’a motivé à reprendre lui-aussi des études plus poussées. Dans quelques mois, il terminera un Master en Montage, gestion et direction de projets avec spécialité en coopération internationale. Grâce à cela, il souhaite continuer à aider au développement de son pays et ce d’autant plus depuis que le Nicaragua connaît une crise politico-sociale importante.

Eirene Suisse reçoit une contribution de cofinancement de la Direction du Développement et de la Coopération (DDC) au travers d’Unité pour son programme quadriennal 2021-2024. Voir les détails

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